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NON aux idées gratuites - La fronde des designers
Manifeste pour le respect de la création graphique et des prestations intellectuelles. Après les agences, les designers se rebiffent.
Après la fronde des agences, c'est au tour des designers, graphistes, rédacteurs, photographes et autres réalisateurs de prestations intellectuelles, de mener leur combat de créateurs contre les abus.
Mise à jour, juillet 2020 : Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance adresse aujourd’hui un message fort quant à la responsabilité de la commande publique.
La fiche technique "La remise d’échantillons, de maquettes et de prototypes dans le cadre de la passation des marchés publics" éditée par la Direction des Affaires Juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance en juin 2020 définit très clairement la notion d’échantillons du code de la commande publique et impose une juste indemnisation des concurrents, à hauteur de 80% de l’évaluation du marché. Cela met un terme aux compétitions ouvertes exigeant des jours de travail sans indemnisation et cela va dans le sens des préconisations de l’AFD.
EN SAVOIR PLUS
Manifeste pour le respect de la création artistique et des prestations intellectuelles
En tant qu'acteurs de la communication assurant le relais entre les annonceurs et les créateurs, toute l'équipe de communication de "Ma Plume 2.0" ne peut que se faire l'écho de ces mouvements, par une meilleure information des uns et la défense des intérêts des autres…
De mauvaises habitudes à perdre
C'est un fait. L'époque où l'on concluait une affaire en se tapant dans la main et chacun respectant sa parole est bel et bien révolue. Et il faut reconnaître que nous sommes tous un peu responsables, agences et designers, qui, en produisant des recommandations toujours plus détaillées pour "faire la différence" par rapport à la concurrence avons permis l'instauration progressive de cette situation dévoyée.
Le constat, aujourd'hui, est qu'il y a eu trop d'abus. Les relations basées sur la confiance ont fait long feu. Comme ce directeur de communication d'une grande société qui déclarait : "lorsque je veux connaître l'état de mon marché, je ne commande plus d'études coûteuses auprès de cabinets spécialisés, je lance un appel d'offre et les agences le font pour moi".
La crise est passée par là. Produire une recommandation détaillée est gourmande en temps, et donc en argent. Beaucoup d'agences et de designers ne peuvent plus se le permettre. Et après avoir constaté que l'ère du partage tant vantée par les chancres d'Internet ne demandait qu'à se transformer en ère du pillage, la profession dit STOP : pour être des artistes (comprenez : uniquement occupés à vivre de l'air du temps), nous n'en n'avons pas moins un métier, et, nous aussi, une famille à faire vivre et des factures à payer.
Dites NON aux idées gratuites, la fronde des designers
C'est un document publié par l'AFD (Alliance Français des Designers) intitulé "Dites NON aux idées gratuites" [PDF, 57 Ko], qui lance les hostilités et incite les designers à ne pas participer aux concours et appels d'offre ne proposant pas de dédommagement aux participants. Notamment en ne produisant pas de recommandations trop détaillées qui donnent trop facilement des bonnes idées au prospect avant la signature de tout bon de commande (et vous savez, bien sûr qu'il ne faut JAMAIS commencer à travailler sans un Bon de Commande signé).
À ce propos, l'association produit même une "liste noire des appels d'offre de design" dans laquelle, il faut bien le constater, il semble que l'on retrouve pas mal de marchés publics...
Défendez votre savoir-faire et votre profession
L'idée, c'est : ne donnez pas gratuitement vos idées contre une fallacieuse promesse de notoriété, car non seulement ça ne servira pas vos intérêts à court terme, mais de plus, vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis en discréditant votre profession. Donc la reconnaissance de votre travail et sa juste rémunération.
Les demandes de travaux réalisés gratuitement sont, de plus en plus légion sur le web. C'est en inversant la tendance que les créateurs de toutes disciplines (prestations artistiques et intellectuelles) revaloriseront leur profession et la perception qui en est faite.
A une époque, il arrivait qu'un prospect dise à un (futur ?) prestataire : "nous serions vraiment ravis de travailler avec vous, commençons donc par un petit travail. L'impression de cartes de visites" (gratuites, cela va de soi). Je n'ai aucun exemple qu'une relation commerciale ainsi entamée ait ensuite débouché sur un vrai contrat.
L'exemple vécu de Picasso.
Picasso déjeune au restaurant avec un ami parfumeur. Celui-ci fait part à l'artiste de son admiration et lui demande s'il pourrait lui imaginer un flacon pour son nouveau parfum. Picasso dessine rapidement une forme sur la nappe du restaurant. A son ami, qui trouve ça génial et veut s'emparer du croquis, Picasso demande une rémunération. L'autre s'étrangle :"mais comment, c'est énorme, tout ça pour un croquis exécuté en même pas 5 minutes !"
Picasso répond : "Oui, mais ces 5 minutes sont le fruit de nombreuses années de travail".
Tout le monde, aujourd'hui, peut prendre une photo, griffonner un logo ou écrire un texte. C'est le corollaire de l'expansion des nouvelles technologies. Néanmoins, cela reste un métier. C'est un vrai savoir-faire, fruit de l'acquis de plusieurs années d'études, de pratique, de formations. Et cela mérite d'être reconnu.