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50 années d'ouverture à Vaux le Vicomte
En 2018, Vaux le Vicomte fêtait ses 50 ans d'ouverture au public. C'était, pour Jean-Charles de Vogüe, l'un des châtelains, l'heure d'un bilan plutôt positif.
Journée Grand Siècle 2018, Vaux le Vicomte en majesté
Le domaine de Vaux le Vicomte est la plus grande propriété privée française classée au titre des Monuments Historiques ouverte au public. Cette taille a un prix. L'entretien du domaine nécessite annuellement 9 millions d'euros. Jean Charles de Vogüe, châtelain en charge du développement commercial se félicite que l'exercice soit aujourd'hui à l'équilibre :
"Le bilan est très positif. Lorsque mon père a décidé l'ouverture du château au public, en 1968, rares étaient les propriétaires de châteaux à se lancer dans cette aventure. Nous accueillons aujourd'hui 300 000 visiteurs par an, chiffre qui croît chaque année. Économiquement, nous avons réussi à être à l'équilibre et en mesure de réaliser notre première mission qui est de restaurer et d'entretenir le château et le domaine, qui sont aujourd'hui en bon état, même si beaucoup reste encore à faire."
Avec une ambition : recevoir encore plus de public tout en se préservant du tourisme de masse afin de conserver ce lien privilégié avec les visiteurs qui est la particularité de Vaux le Vicomte et restaurer encore davantage le domaine.
Des histoires d'Histoire
Vaux le Vicomte, c'est d'abord une histoire, étroitement liée à l'Histoire de France du XVIIème siècle. Celle de Nicolas Fouquet. Grâce à lui, on peut admirer la magnifique création architecturale, paysagère et décoratrice de trois hommes : Le Vau, architecte, Le Nôtre, jardinier et Le Brun, peintre décorateur. C'est ainsi un peu grâce à Fouquet qu'on peut admirer le château de Versailles dont Vaux le Vicomte arbore les prémisses.
Ensuite, Vaux le Vicomte, c'est une histoire de famille. Celle d'Alfred Sommier, qui, en 1875, rachète le domaine et met tout en œuvre pour tenter de lui redonner son lustre d'antan. En 1967, Patrice de Vogüe le reçoit en présent dans sa corbeille de mariage et, en compagnie de son épouse, perpétue l'œuvre de son ancêtre. Aujourd'hui, il a passé la main à ses trois fils, Alexandre, Ascanio et Jean-Charles qui, à leur tour, œuvrent à ce que que Vaux le Vicomte retrouve la place qu'il mérite dans le patrimoine français.
La Journée Grand Siècle, voyage spatio-temporel
Parmi les trois frères, Jean-Charles de Vogüe est en charge des relations commerciales. L'idée de la Journée Grand Siècle est la sienne :
"j'ai toujours été favorable à ce qu'il y ait une interactivité entre Vaux et son public. Ce qui m'intéresse, c'est que le visiteur puisse être aussi acteur de sa journée. Je me suis inspiré de Williamsburg*, village de la côte Est des États Unis que j'ai découvert il y a très longtemps en compagnie de mon père. Le village est resté 'dans son jus', les gens sont tous costumés et on revient à l'origine de l'histoire américaine. J'avais trouvé l'idée intéressante et j'ai pensé qu'on pouvait inviter les gens à venir costumés et à revivre une journée comme au 17ème siècle du temps de Fouquet."
D'où la création de cette journée hors du temps où l'on vient costumé comme au XVIIème siècle arpenter les couloirs du château, se promener dans les allées du parc, admirer les perpectives du jardin à la française dessiné par Le Nôtre, s'initier aux danses baroques, trembler devant les démonstrations d'escrime des mousquetaires, pique-niquer sur les pelouse ou sous les arbres et visiter le domaine en calèche…
Le rendez-vous des amoureux de l'Histoire et passionnés du costume
"C'était un pari que nous nous sommes lancés il y a 14 ans. Ça a été un succès, grâce à la participation de groupes de passionnés de costumes et de reconstitutions historiques, qui reviennent régulièrement. Au fil des années, la Journée Grand Siècle est devenue un grand rendez-vous de passionnés de costumes 17ème et 18ème siècle."
Cette année encore le succès est au rendez-vous et les propriétaires du domaine s'en émerveillent :
"On est ravis qu'il fasse beau et que tant de gens aient pu venir malgré les grèves. Ce qui nous plaît particulièrement, c'est que la Journée Grand Siècle soit devenue un rendez-vous de passionnés. Beaucoup de gens se sont rencontrés ici et ont créé des liens d'amitié. Il se retrouvent dans beaucoup d'endroits différents mais on a l'impression que cet évènement à Vaux le Vicomte tient une place particulière dans leur cœur."
Cette année, pour fêter les 50 années d'ouverture du domaine au public – Patrice de Vogüe ouvre le château au public en 1968 – Vaux le Vicomte a mis les petits plats dans les grands en renouant avec la tradition des animations et en proposant des nouveautés, comme la distribution de cartons aux costumés par le public ouvrant droit à une place dans le défilé d'élégance et la création d'animations photographiques, des tableaux vivants au centre de cadres monumentaux pour un concours d'images sur les réseaux sociaux.
Le pari de l'interactivité
L'interactivité entre le château et son public a toujours été le souhait de Jean-Charles de Vogüe. Si Vaux le Vicomte représente le passé, il aime à utiliser les technologies actuelles pour le mettre en valeur.
Ainsi, outre les prochains travaux de restauration, de nouvelles animations technologiques innovantes seront proposées.
Voyage sonore en immersion dans le XVIIème siècle
"On va plonger les visiteurs au cœur de l'histoire. À Vaux le Vicomte, tout est là, les jardins, le château, les décors, les peintures, le mobilier. On a tout sous les yeux. Pas besoin d'images supplémentaires."
Manque le son… L'idée, c'est donc de créer un parcours sonore pour plonger le visiteur dans l'ambiance des lieux tels qu'au XVIIème siècle. Le visiteur pourra faire sa visite en compagnie de Fouquet, Le Nôtre, Le Brun… un véritable voyage dans le temps en immersion tridimensionnelle dans les décors du château, relayé par une application smartphone et un casque audio.
Le projet est déjà sur les rails, le lancement est prévu pour le mois de mars 2019. Ce sera la première fois qu'une telle technologie sera mise en place dans un château. Pour un aperçu auditif, c'est par ici…
Un son et lumière dans le Grand Salon ovale
Le plafond du Grand Salon ovale, qui traverse le château et donne sur les jardins fera l'objet d'une restauration qui débutera par le nettoyage des cariatides et réfection du plafond actuel.
Ensuite, est à l'étude une vidéoprojection du projet de peinture décorative voulue initialement par Charles le Brun et qui devait représenter l'astre solaire accompagné de l'écureuil, emblème de Nicolas Fouquet qui aurait été représenté au centre sous les traits d'Apollon. Ce projet n'a malheureusement jamais abouti, Fouquet ayant été arrêté. Il ne reste de ce projet qu'une gravure monochrome.
"Donc plutôt que de faire un pastiche, nous préférons utiliser la technologie moderne. On va travailler sur un format assez court de son et lumière qu'on aimerait projeter en journée. C'est une difficulté à contourner car cette pièce est très lumineuse".
Les amis de Vaux le Vicomte
Contrairement à d'autres châteaux qui partagent leur capital pour entretenir leur domaine, le Château de Vaux le Vicomte préfère faire appel au mécénat.
A cet effet, une association, "les amis de Vaux le Vicomte" a été créée en 1983. Par leur enthousiasme, les membres de cette association contribuent tout autant à son rayonnement qu'à la restauration et à l'entretien du domaine.
Les amis de Vaux le Vicomte, grâce leur participation, aident à l'entretien du domaine. Chaque année, l'association propose à ses 2 600 adhérents français et étrangers de contribuer au financement d’un projet de restauration. En contrepartie, ils bénéficient d'avantages exclusifs : accès illimité gratuit, visites et évènements privés… et le sentiment de participer utilement à la préservation du patrimoine français.
En dehors de l'association, des opérations de mécénat sont menées, en direction des particuliers et des entreprises, comme par exemple les opérations "adopte une statue" ou "adopte un arbre".
Pour la restauration de la grande horloge, Vaux avait fait appel au crowdfunding, qui lui avait permis de récolter 38 000 euros via 362 contributeurs.
Pour les restaurations à venir, comme celle du plafond et des cariatides du grand salon ovale, il est envisagé que le projet soit re-découpé en plusieurs tranches plus modestes pour permettre des financements moins coûteux et ainsi ouvrir le mécénat à un public plus large.
En France, le patrimoine en péril ?
Jean-Charles de Vogüe n'est pas très optimiste sur la situation du patrimoine en France :
"L'état se désengage de plus en plus de certains monuments, beaucoup de sites privés sont mis en vente. La difficulté est d'essayer d'intéresser la jeune génération pour qu'il prennent la relève. On constate une forme d'ubérisation du patrimoine. Avec le crowdfunding on voit plusieurs milliers de personnes être co-propriétaires d'un château. On verra sur la durée comment ce système va fonctionner et comment les travaux pourront être financés. Ce n'est déjà pas toujours simple de se mettre d'accord à quelques-uns… "
Pas simple en effet d'entretenir un domaine privé. Le mécénat est une manne pour le patrimoine, mais cette source de financement n'est pas inépuisable. À l'époque où même l'État mène des campagnes de souscription pour son propre domaine, ce n'est pas toujours facile pour les domaines privés d'intéresser les mécènes qui sont pratiquement leur seule source de revenus pour mener les restaurations.
Cependant, quelques initiatives vont dans le bon sens : "comme par exemple le "Loto du Patrimoine". En Angleterre*, où ça existe déjà, ça permet de sauver beaucoup de demeures."
Le patrimoine, c'est certes les châteaux, monuments, demeures et jardins, mais aussi les paysages qui fondent notre identité et qui, dans certaines régions, sont victimes d'une urbanisation à outrance :
"Nous avons la chance, en France, d'avoir un magnifique patrimoine, emblématique ou rural, nous avons la chance d'avoir des paysages magnifiques. C'est notre atout numéro un et nous nous devons de le préserver car c'est ce qui nous restera sur le long terme. La préservation de ce patrimoine devrait être notre priorité, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé.
Je me bats ici, dans la région de Vaux le Vicomte, contre la construction qui se développe en Île de France et malheureusement parfois au détriment de la préservation de beaux environnements comme ici. C'est dommage…"
Le combat pour un tourisme maîtrisé et la préservation du patrimoine est loin d'être terminé :
"Le château est plutôt en bonne condition, bien entretenu. Beaucoup reste encore à faire. On souhaiterait pouvoir ouvrir plus longtemps dans l'année pour accueillir encore plus de visiteurs – mais dans les limites du raisonnable – afin de pouvoir garder un lien privilégié avec eux et leur permettre de visiter le domaine dans les meilleures conditions. Nous avons encore du temps devant nous et des générations derrière nous également pour gérer encore mieux et restaurer davantage. Vaux le Vicomte le mérite."